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Gratitude

  • 8 octobre 20257 octobre 2025
  • par Pierre Taigu Turlur
Je crois que l’un des premiers mots qui me fut transmis comme un précieux trésor fut le simple mot « merci ». Et ma grand-mère et ma mère insistaient si souvent pour que je le fasse entendre quand, négligemment, je prenais pour acquis ce qui m’était tendu. On m’invitait à le produire sans cesse, à l’agrémenter d’un sourire parfois récalcitrant et ce dès le plus jeune âge. Je ne prenais alors pas toujours toute la mesure de sa valeur quand, pris par la précipitation et l’envie de jouer, et non sans résistance, je m’exécutais.
Chacun ne le sait que trop bien, il est tellement plus simple et autrement plus gratifiant de donner que de recevoir. Souvent le cadeau que l’on offre nous remplit d’une surabondante félicité ravageuse qui pétille et crépite, nous débordons d’une jubilation que nous anticipons, guettons avec délectation la joie et la surprise dans le regard de l’autre, nous nous enchantons de la cérémonie de l’ouverture du paquet, de cette douce effraction du voile de papier coloré qui masque l’objet. Une fois offert, nous nous souvenons de cette joie et nous nous éloignons heureux d’avoir eu le sentiment de contribuer au bonheur de l’être aimé. Le cadeau reçu, quant à lui, nous désenchante rapidement d’autant plus qu’il ne correspond pas toujours à notre souhait secret. Nous forçons parfois notre réaction, et puis nous sentons à quel point il est difficile de simplement et purement absolument dire merci. Nous préférons l’illusion du pouvoir de donner que cette fragilité dans l’acte de recevoir semble nous plonger. Effet de la pudeur aussi, les mots nous manquent parfois, nous préférons passer à autre chose. Et je ne parle pas simplement de l’obscénité insultante de ces Noëls où les enfants sont ensevelis sous des montagnes de cadeaux aussi inutiles que coûteux, ce grand déballage nauséabond d’un consumérisme décomplexé. Recevoir est très difficile, ce serait presque un art. Dans la culture traditionnelle japonaise on se garde bien d’ouvrir le paquet devant celle où celui qui l’offre. Bien sûr, il importe de ne pas insulter sa générosité car ce serait un peu en vérifier et évaluer la nature. Mais on s’en voudrait aussi d’embarrasser l’autre de la cérémonie des effusions et de la reconnaissance. L’acte de donner a plus de valeur que l’objet qui transite de main en main. Le présent authentique est finalement cette inestimable présence à l’autre.
Pourtant, quoi de plus grand, de plus noble, de plus essentiel que la gratitude? Cette vie même est un présent rarissime et il suffit pour s’en convaincre de songer à la vastitude vertigineuse du cosmos, nous qui vivons sur une planète qui n’est qu’un point ridicule dans un ballet de centaines de milliers de systèmes solaires d’une Voie lactée qui voyage à une vitesse vertigineuse en compagnie d’une centaine de milliards d’autres galaxies dans le seul univers visible. Que dire de cette opportunité rarissime qui nous a été donnée de naître, percevoir et être conscient de nous mêmes et des autres? Précieuse existence humaine dont nous n’avons pas assez conscience. Amour dispensé sous tant de formes : gestes tendres, paroles données, nourriture offerte, vêtements et demeure et école. Eau dont nous rafraîchissons notre corps et étanchons notre soif et dont l’existence est aujourd’hui mise en cause à la lumière des effondrements écologiques et économiques. Air dans lequel nous baignons dont l’oxygène nous nourrit. Notre vie ne dure qu’une poignée de quelques années certes mais aussi à l’échelle du temps et de l’espace elle est une chance inouïe à peine vraisemblable. Gratitude d’avoir un corps, une parole et une capacité d’agir. Car, jusqu’à preuve du contraire, la matière est aveugle et captive d’elle même. Que dire de la pierre, du roseau, du feu, de l’eau? Quelle est alors notre chance de disposer de cette conscience d’exister dont tant de formes et d’existences semblent dépourvues! Et qu’elle devrait être notre gratitude de porter en soi ces poussières d’étoiles selon l’expression chère à Hubert Reeves dont nous sommes tous composés, car la matière même de notre corps est celle de l’univers en ses confins. Toute l’histoire de notre monde est lisible dans les atomes et molécules qui nous composent. Nous sommes faits de celles et ceux qui nous ont précédés aussi grâce à la réalité de la filiation et à ses lois mais aussi à travers le miracle de la loi physique: l’eau qui compose notre corps vient aussi du corps de celles et eux qui nos ont précédés. Le ballet des atomes répond à celui des galaxies les plus lointaines. Gratitude de recevoir une nourriture et à travers cette nourriture, l’univers dans lequel nous vivons et auquel nous participons.
Gratitude d’être relié. De vivre cette pleine interdépendance, cette co-émergence qui fait que nous n’existons pas par notre seul fait. Nous sommes vides car nous n’existons pas comme une île ou un être séparé, fixe et rigide, immuable et permanent. Nous sommes évanescence dans un monde sans relâche changeant. C’est là l’une des significations essentielles de ce que le Bouddhisme appelle « vacuité « .
Aujourd’hui Avril accueille au Japon les floraisons printanières. Gratitude face à ces pétales qui, lumière passante posée sur les branches des cerisiers aux corps tortueux et contorsionnés, iront se disperser presque tout aussitôt qu’ils ont fleuri. Recevoir le printemps, contempler les Sakura, ainsi les nomme-t-on les fleurs de cerisiers sur l’archipel japonais, c’est éprouver la plus émouvante des gratitudes pour cette existence fragile et belle qui nous traverse et que nous traversons. D’autant plus précieuse et rare qu’elle peut vaciller à tout instant. Cette splendeur au bord de se défaire, cette splendeur des pétales éparpillés par le vent, cette splendeur des pétales jonchant le bitume et la caillasse. Rien qu’un sentiment de gratitude. Un merci qui s’élève des profondeurs de l’être.
un pétale à la fois
le cerisier
se peint sur le bitume1

Invitation

Chaque respiration nous est pétale, chaque instant est fleur. Notre gratitude consiste à vivre cet instant tel quel. Sans ajouter ou retirer quoique ce soit. Dire merci plus qu’avec des mots mais de toute l’étendue de notre corps et de notre vie. Pleinement vivre ce qui est donné. Pleinement l’accepter.
sakura sous la pluie
plus magique encore la lumière
sur les branches
Inspirez calmement en suspendant toute pensée, expirez alors en disant merci clairement. Un merci sans objet et sans destinataire. Même malade ou mal à l’aise. Surtout si ça ne va pas. Soyez gratitude inconditionnelle dans la gratitude d’être et de vivre. Simple fleur dans le vent

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