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Avenir du zen

  • 10 juillet 202417 juin 2024
  • par Pierre Taigu Turlur
Pour Éric Jiun Rommeluère.
Lors d’un échange autour d’un bol de nouilles japonaises, Kikkawa Roshi, le maître des novices du Koshoji qui a depuis notre premier sanpaï et notre première rencontre montré beaucoup de tendresse à mon égard, me demandait qu’elle était mon ambition. Sans hésiter et du fond du cœur, je lui répondis que je n’attendais rien, ne souhaitais devenir personne, et que c’était là la plus haute des vies. Être un bon à rien. N’être rien. Son visage exprima la plus profonde incrédulité. Il est vrai que pour un moine de la Sôtôshu, le jeu consiste à monter toujours plus haut, statut, grades, titres, responsabilités, honneurs, charges et…l’argent qui va avec.
Je vis au Japon depuis près de 20 ans. Depuis que j’y réside, je constate une désaffection très marquée et franche pour les formes religieuses héritées. Si certaines nouvelles religions ont le vent en poupe puisqu’elles reposent sur le fond de commerce de la promesse et de l’espoir (une vie réussie, la richesse et la santé) tandis que les temples bouddhistes de campagne sont abandonnés les uns après les autres, faute de familles pour les supporter. Qui parmi les jeunes générations veut aujourd’hui s’acquitter de sommes élevées pour une cérémonie funéraire? Qui veut acheter un nom coûteux aux défunts? Depuis la crise du COVID, la tendance s’accuse et s’accélère, de source sûre, un ami moine de la Sôtôshu, m’assure qu’il n’y aurait que 80 novices à Eiheiji, du jamais vu, et de nombreux temples historiques de formation sont fermés, dont le Koshoji d’Uji et le Daigoji de Kanazawa, temples prestigieux et historiquement majeurs. Ils restent ouverts à des événements ponctuels, sesshins ou événements exceptionnels, ou à l’activité touristique, mais n’offrent plus la possibilité d’accomplir une formation monastique. Quand je regarde la fréquentation en Europe du temple mère de la Gendronnière, j’ai peine à reconnaître ce qu’il était voici une trentaine ou quarantaine d’années. Alors que les pratiques japonaises et ésotériques se répandent parmi le clergé européen qui multiplie les cérémonies complexes et alambiquées, le grand public se détourne de ce cinéma sympathique pour préférer une pratique laïque vidée de toute dimension religieuse et authentique, puisqu’il s’agit davantage de médicaliser l’assise, ou de la mettre au service d’un mieux être ou d’un plus productif. D’un excès à l’autre.
Que comprendre ici? Est-ce la fin du zen? Je ne le crois pas. C’est certainement la fin d’un zen dans lequel l’argent est bien trop impliqué, ainsi que des traditions obsolètes ici, ou ridicules là, puisque déracinées. J’ai bien peur que le bébé ne soit souvent jeté avec l’eau du bain, ou l’eau du bain bénie sans le bébé y barbotant. L’essentiel, le cœur a toujours été l’assise. Pour la secte Sôtô du Japon, c’est du business. On a compris. D’ailleurs ils se moquent de la transmettre aux laïcs à part quelques moines et temples isolés. Pour les Européens et Américains, il s’agit plutôt de transmettre un zen assis mais avec beaucoup des fioritures que les premiers moines venant en Occident avaient laissé derrière eux. Je me suis laissé dire que le tralala des cérémonies zen s’est considérablement alourdi ces 30 dernières années pour répondre à cette lubie d’être plus fidèle au modèle japonais lui-même agonisant pour des raisons assez voisines finalement.
Il est, me semble-t-il, désormais important d’offrir une pratique du zazen libérée de la gangue cléricale et institutionnelle. Il est frappant que tout débutant qui entre dans un centre zen ou dojo fait face à une structure très verticale dans laquelle codes et attitudes dessinent une hiérarchie qui va du débutant au responsable ou maître des lieux. Il y a d’un côté les personnes ordonnées, sachants et expérimentés et les autres. Les vêtements fonctionnent comme code de reconnaissance. Est-il besoin de rappeler qu’au cœur de notre tradition le kesa n’est pas le vêtement des moines mais celui des bouddhas assis? Il serait temps de mettre à disposition de tous les débutants un kesa et de leur offrir la possibilité de le porter durant la pratique. Le kesa n’est pas un objet personnel, et nous pourrions encourager des ateliers de couture de la robe bouddhique afin de confectionner de manière désintéressée des robes de l’assise.
La voie c’est la vie, non la vie que vous rêvez de vivre mais celle que vous vivez. Le boulot, les soucis, les transports, la tambouille et les gosses, les impôts et tout le reste, c’est là où nous devons vivre zazen. Les temples, les grands centres et tout le tralala c’est joli mais c’est coûteux et inutile. Revenir à l’immense vertu du nomadisme, la sédentarité frileuse doit être abandonnée, en ce temps de crise et de mutation, en pleine hystérie sanitaire, face aux dérives autoritaires et autocratiques des États, dans un monde qui bouge et vacille, il convient d’encourager le mouvement. Il faut désormais disséminer la pratique, l’encourager là où les gens vivent, naissent et meurent, lieux de travail, associations, structures non religieuses, hôpitaux, EHPAD, jardins publics, lieux ouverts et non religieux. Il est aussi important de sortir de la monétisation de la pratique, il est clair que le plus possible et conformément aux vœux de Sawaki Kôdô et à la pratique originelle de Taïsen Deshimaru, la pratique du zen ne doit pas être professionnalisée et offerte à moindres frais. Sortir l’assise silencieuse des lieux exceptionnels et faire en sorte qu’elle infiltre peu à peu la société.
La dimension religieuse heurte et repousse souvent et il le semble important de ne pas mettre l’accent sur les bouddhieuseries, cérémonies et autres copies collés sur le zen japonais qu’affectionne la curie occidentale mais qui ne répondent ni aux besoins ni aux attentes profondes des jeunes et des moins jeunes. Voilà pourquoi tout ce vernis religieux pourrait être gratté, et nous pourrions revenir à un zazen essentiel, dépourvu de ces fioritures et byzantines pour oser l’anachronisme. Il faut en finir avec le guru, les coiffes, la forte verticalité héritière de modèles féodaux et les maîtres qui gesticulent sur des chaises. L’ami(e) de bien est un être qui a bourlingué et qui connaît bien le chemin. Il est là pour vous filer un coup de main et vous aider. Rien de plus ni de moins. C’est très direct et les mains dans le cambouis. J’ai pour ma part très peu d’élèves car si je veux leur consacrer le temps nécessaire en dokusan, il est impossible puisque je travaille, d’en avoir davantage. Je ne monnaye jamais mon enseignement et fais aucune demande financière puisque je travaille. J’ai gardé l’essentiel, l’assise simple et dépouillée dans le silence, la couture de la robe, l’étude des soutras et textes de notre école, un minimum syndical quant aux cérémonies et l’horizontalité dans le fonctionnement de nos groupes.
Si nous voulons que le zen vive, pas les parodies et imitations exotiques mais la pratique véritable qui est celle d’illuminer sa vie ordinaire et de recevoir l’enseignement de chaque instant, il va falloir changer de cap. Au Japon, cela commence. Pourquoi pas en Occident?

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