La Technique Alexander

Co-écrit avec Taïgu Roshi

F.M. Alexander était un acteur de théâtre australien, inventeur d’une technique aujourd’hui pratiquée dans le monde entier et souvent associée aux disciplines artistiques et sportives. Il découvrit que les problèmes vocaux qu’il rencontrait sur scène étaient le résultat d’habitudes posturales qui avaient fini par l’handicaper grandement. Il mit au point une méthode qui, à travers des leçons en tête à tête, permet à l’apprenant de vivre avec la plus grande liberté les mouvements de son quotidien. Il découvrit qu’il n’y avait pas de juste posture mais seulement de justes directions. Alexander ne cherchait pas à « guérir » qui que ce soit de quoi que ce soit, il parlait plutôt de prévention et de réalisation de nos mésusages.

C’est dire combien cette Technique peut être utile dans la cadre de la pratique du Zen, et de nombreux moines et maîtres y font désormais référence, comme Fujita sensei ou Mike Chodo Cross. Bien que personne à ce jour dans notre sangha ne soit professeur certifié de la Technique, nous sommes nombreux à en avoir expérimenté les incroyables bienfaits et voilà pourquoi notre enseignant Taigu invite inlassablement ses élèves à se tourner vers elle. Il ne s’agit pas là d’ajouter de nouvelles instructions ou injonctions aux innombrables indications de la tradition en matière de pratique méditative, mais bel et bien au contraire d’aider le pratiquant à se libérer des schémas corporels et mentaux acquis, processus de déconstruction et de laisser-être indispensable à l’épanouissement de la fleur du Dharma. La Technique n’est donc ni un comment ni un pourquoi, elle n’enseigne rien et invite simplement à la plus grande des libertés.

Pour s’asseoir, ou plutôt se laisser asseoir, il importe de se souvenir des 5 principes et invitations préalables à tout mouvement, c’est en substance ce que constitue l’enseignement de F.M.Alexander.

Les voici résumés et commentés :

– Reconnaître que nous sommes des êtres d’habitude, que nos mouvements sont les résultats de processus devenus automatiques, inscrits en nous, que nous ne faisons que répéter. Nous ne sommes pas conscients et véritablement présents à ce que nous faisons, nos gestes les plus simples, marcher, s’asseoir, se lever d’une chaise, saisir un objet… sont effectués au travers de ce qui est devenu un automatisme.

– Il importe alors d’inhiber l’action, de suspendre la volition, de dire mentalement « stop », d’arrêter. Ne pas se précipiter dans l’action, s’engouffrer mais s’autoriser à prendre du recul.

– On peut ainsi prendre conscience que nos repères sensoriels sont faussés et inexacts. Ce que nous croyons faire n’est pas ce que nous faisons. Ce que nous croyons ressentir ou localiser dans l’espace ne saurait être pris comme base fiable pour l’action. Ainsi, nous croyons par exemple être droits alors que nous penchons à droite ou à gauche, vers l’avant ou vers l’arrière.

– Il ne s’agit alors pas de chercher à fabriquer une posture plus juste, de se redresser ou d’être assis comme ceci ou cela. En réalité il suffit de penser la direction sans l’accomplir pour la rendre effective. Cette direction n’est pas une pensée qui conditionne et effectue l’action ou le mouvement. La Technique permet de développer ou plutôt de retrouver la capacité à penser l’action plutôt que de penser à l’action, c’est-à-dire non pas de conceptualiser et faire mais plutôt de permettre l’action.

– La tête et le cou étant libres, un contrôle premier ou primordial se manifeste spontanément : à partir du trépied fondamental d’appui au sol, les hanches s’ouvrent, le dos (du coccyx à la fontanelle) s’érige élargi et allongé, la nuque est détendue et librement laissée à elle-même, la tête s’oriente naturellement vers la haut et vers l’avant. Dans la pratique de la méditation assise comme dans tous les autres usages de notre corps-esprit, la Technique Alexander apparaît ainsi comme facilitatrice. Elle peut permettre dans le même « geste » de laisser s’éclairer nos conditionnements et de retrouver notre liberté d’auto-organisation originelle.