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Étapes sur la voie

  • 24 janvier 202422 décembre 2023
  • par Pierre Taigu Turlur
Laissez-moi revenir à l’invitation d’une de mes élèves sur l’affirmation de Seigen Ishin:
« Les trente années qui précédèrent ma pratique du zen, je voyais les montagnes comme des montagnes et les rivières comme des rivières, après avoir compris intimement je suis parvenu à un point où les montagnes n’étaient plus des montagnes   et les rivières n’étaient plus des rivières, mais me voici désormais au repos et je réalise enfin que les montagnes sont vraiment des montagnes, et les rivières vraiment des rivières ».
Nous allons afin de véritablement comprendre ce qui est en jeu ici nous emparer de ce que propose l’école Hua-yen ou Huayan( kegon en japonais ) et user bien évidemment des cinq rangs, des cinq degrés ou manières  de vivre le réel.
Le premier stade, la première étape est celle de la multiplicité, du particulier, du relatif. C’est  le domaine  de ji (事), qui sépare, distingue, coupe dans la réalité même. Le second stade est celui de ri (理) l’universel, l’absolu, celui de l’unité ultime. Le troisième est celui de riji muge (事事無碍), l’espace dans lequel l’absolu et le relatif interagissent et se mélangent  et dansent. Ici on ne s’arrête pas au seul absolu mais on en revient, ou plutôt on le reconnaît comme dynamiquement agissant avec le relatif. Le samsara est ici le nirvâna. Comme l’affirme la célèbre phrase zen: « c’est le pont qui bouge alors que l’eau est immobile et ne s’écoule même pas » ou encore quand « Li boit son vin, Chang est ivre (quand je bois mon vin l’univers titube…) ».
Le premier stade est celui de l’esprit ordinaire et dualiste, un esprit et une perception nécessaire au fonctionnement de la société et à l’interaction avec les autres. Il opère dans une réalité qui est représentée à l’aide d’opposés, le silence versus le bruit, la réalisation silencieuse versus la pratique verbale et intellectuelle,  cette perception opère à partir de distinctions et de paires d’opposés. Géographie arbitraire, représentation codifiée qui est à la fois culturelle et personnelle, nous en héritons par le langage, le prisme de l’expérience personnelle ou l’imprégnation collective. Le monde est perçu comme féminin ou masculin, chaud ou froid, lumineux ou obscur etc. À ce stade nous rencontrons les gens sans vraiment les voir, nous vivons des expériences sans vraiment nous y donner, nous percevons des images et non les choses et les êtres eux-mêmes. Nous ne goûtons pas véritablement le monde. Nous nous contentons d’en entrevoir le mirage et les contours. Dans la langue de Dôgen, nous nous avançons vers les êtres, nous décidons de ce qu’ils sont, nous les manipulons et nous manipulons aussi. Nous instrumentalisons les choses et la vie et assignons utilité, intention et profit à toute action. Ce monde ne doit pas être abandonné mais simplement compris. L’abandonner ferait de vous et moi de véritables sauvages, reclus en quelque ermitage. Nous avons besoin de cette réalité éclatée et de ces modes de vie afin de mettre en mouvement le dharma. Ce monde des certitudes, des croyances, des affirmations péremptoires et des manipulations, nous devons le contempler pour ce qu’il est.
Cet univers fait d’habitudes et de conduites répétées une fois révélé pour ce qu’il est nous conduit au deuxième stade. Rien n’a changé, nous sommes toujours dans le même  monde, sur la même planète, simplement la construction s’écroule, le château de cartes s’effondre, nous vivons la déconstruction qui apparaît radicale et soudaine, on a l’impression que le sol se dérobe sous nos pieds, un espace dont ne soupçonnions rien s’ouvre en nous et devant nous. Nous réalisons la vacuité et sa puissance. Il n’est rien qui n’existe par soi-même en soi-même, rien qui ne puisse être   séparé. C’est la réalité de l’absence de moi, muga, l’absence de ça aussi. Cessant soudainement de jouer le jeu du je, sujet et objet disparaissent. C’est ce que vivent certains de mes élèves alors que je me contente d’être là, de ne même pas leur tenir la main. Je me contente de pointer un espace ouvert que nous sommes tous. Un mot, une situation, un geste ou simplement la présence suffisent. Mais si nous en restons là, nous allons recréer un subtil écart, une nouvelle compréhension opposée à une ancienne, d’un abandon des visions alors que les autres s’y accrochent, voilà pourquoi la vacuité est un poison si l’on s’y attache. Un pas supplémentaire en haut du mât de cent pieds est nécessaire. Celui qui réconcilie rien mais plutôt reconnaît que jamais l’absolu et le relatif n’ont été distingués et séparés.
La grande négation est grande affirmation. Mu est le corps et les formes de l’univers tout entier. Mu est à chaque pas, dans la moindre action de notre vie quotidienne se trouve la totalité de l’univers dont nous n’avons pas à être le spectateur médusé mais l’acteur modeste. Il est intéressant de considérer à quel point nous sommes friands de visions et d’extases, transes chamaniques, visions conférées par les psychotropes, éveils fulgurants… tout cela est très  sympathique mais ce n’est pas encore ça, parce que vous êtes spectateur et la dualité est encore là! Elle est revenue par la porte de derrière. Le véritable éveil absolument vécu ne peut se contempler. Il est l’existence dynamique dépourvue de tout espèce de souci de soi. Il est le visage originel qui nous sort à chaque instant par tous les pores alors que nous obstinons à grimacer et nous composer une infinité de masques et de d’émaux visages. Quitter la maison, c’est quitter l’attachement à ces simagrées et ce n’est pas pour s’enticher d’un autre hochet, fût-il hautement spirituel. Vivre n’est pas échanger une came pour une came de qualité supérieure. Je ne nie pas l’éveil, je dis simplement qu’ultimement l’ineffable ne peut être saisi et contemplé. Vivre excède voir. Il en va de l’éveil un peu comme de la santé vis-à-vis de la maladie, la dysfonctionnement ou la maladie sont causés de souffrance qui vous font regretter une santé qui est simplement insouciante d’elle-même. Quand vous allez vraiment bien, vous ne le savez même pas. Les problèmes de santé révèlent ce que vous croyez avoir perdu. Vous ne sentez pas ce muscle ou cette épaule tant qu’elle fonctionne optimalement. Être conscient d’une partie du corps c’est la voir diminuée ou empêchée. L’éveil réalisé ne se brame, braille ou proclame pas. Il est malgré nous.
Si l’on se réfère à l’enseignement des 5 rangs, ou degrés ou modes, des cinq modalités de vivre le réel, voici comment ils s’articuleraient :
«Le relatif dans l’absolu» et «l’absolu dans le relatif» se rencontrent dans ces montagnes comme montagnes et les rivières en tant que rivières, la du site joue dans les deux sens. «La manifestation depuis l’absolu» et  «l’arrivée à l’intégration mutuelle» est la phase où montagnes et rivières disparaissent comme telles. «l’unité réalisée» est la phase où montagnes et rivières réapparaissent sans plus de contradiction ou de négation.
Sur un kakejiku sur le mur de mon petit zendo-ermitage, il est écrit:
« En marchant
J’atteins l’endroit où s’assèchent les rivières
Assis
Je contemple l’instant où naissent les nuages ».
Voilà l’espace enfin libre de l’intention et de la saisie. Plus rien à produire, les rivières s’assèchent, ni auquel s’attacher, ne subsiste que la simple contemplation des nuages-pensées qui naissent, passent et disparaissent. Tel est le corps véritable du dharma. Pas grand chose, vraiment. Et pourtant.

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