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Enseignements

Le maître joueur de feuille

  • 28 juillet 202325 juin 2023
  • par Pierre Taigu Turlur
Vous auriez pu le rencontrer n’importe où. Dans les frimas de l’hiver, émergeant des brouillards et de ce froid humide qui vous trempe les os au Japon, il était simplement assis dans le parc de Kaikoen, sa robe rapiécée l’enveloppant et lui couvrant la tête comme une capuche,  assis sur de vieux cartons qui lui servaient de tatami improvisé.
Sa silhouette longiligne et malingre était abritée du vent par un bosquet de bambous, immobile en son corps maigre nourri de thé, de riz, de racines et modestes légumes récoltés çà et là. Vous auriez pu le retrouver au même endroit dans le plein été, campant, entouré d’une dînette improvisée, avec son pot à thé, un petit brasier à charbon, quelques bols usés et ustensiles de fortune, ses feuilles et sa pierre et ses pinceaux pour la calligraphie, et des feuilles d’arbre soigneusement collectionnés dans un bol dont il extrayait une pour la souffler entre ses lèvres. S’élevait alors une étrange mélopée maladroite et entêtante qui se modulait en mélodies qui attirait des hordes d’enfants joyeux et curieux de voir un prêtre si bizarre et drôle jouer des feuilles d’arbre. Vous auriez pu le voir recevoir visiteurs en leur offrant un thé et conversant de poésie ou du zazen, le zen assis, la grande affaire. À ceux qui lui offraient quelque aumône, il leur traçait sur le champ une calligraphie reconnaissable entre toutes, de son pinceau fin et délié. Qu’importait la saison, ce moine était une improbable rencontre dans le Japon de l’après-guerre, c’était comme si l’on traversait le temps pour retrouver un des moines et poètes excentriques que l’on ne surprend parfois endormis entre les feuillets d’un livre. Sodō Yokoyama était un anachronisme vivant. Un visage et un corps joyeux assis sur le bord des routes, sous les ponts, une ombre gracieuse et légère qui regagnait parfois le modeste logis de six tatamis qui lui servait de demeure à moins qu’il ne préfère plonger sa carcasse et infuser ses yeux à la nuit même. Un être de passage et de pauvreté.
Le moine nuage flottant
Joue un air de feuille de tout son cœur
Rivière Chikuma
Après avoir étudié, exercé plusieurs métiers puis avoir reçu la tonsure de moine, il était devenu le disciple et le successeur de Sawaki Kodo à Antaiji. Y trouvant probablement la vie bien trop confortable et pas assez libre, il avait décidé de quitter le temple pour mener une vie pauvre de moine errant. Il avait fini au bout de six ou sept ans de recherches par trouver un parc merveilleux et propice pour accueillir sa pratique journalière du zazen, un lieu où il se sentait bien et où il était « facile de vivre » selon ses mots, un lieu qu’il baptisa du nom de « temple sous le ciel ». En plein air, près d’un bosquet de bambous et non loin d’une petite allée, il installa plusieurs épaisseurs de cartons et des plastiques et son coussin pour s’y asseoir plusieurs heures durant chaque jour. Aux curieux et promeneurs, amoureux timides et gamins tapageurs, il offrait de la musique qu’il avait composée et qu’il soufflait délicatement dans des feuilles de Masaki maintenues humides. Distrayant de rires et d’histoires des passants, amusant des ribambelles d’enfants avec sa feuille-flûte, ou simplement partageant l’assise silencieuse des Bouddhas avec moines et laïques le visitant. Quand on lui demandait comment il avait choisi cet endroit insolite, il répondait volontiers : « tout ce que vous avez à faire c’est de décider que l’endroit où vous êtes est le meilleur au monde, car si vous commencez à comparer cet endroit à cet autre et ainsi de suite, vous n’en finissez jamais ». Un jour qu’un groupe d’adultes le visitait une dame eut l’idée saugrenue de lui demander son âge, dix-neuf ans répondît-il alors, sans l’ombre d’une moquerie ou d’un sarcasme, le plus sincèrement du monde. Ne considérait il pas que faire de la flûte de feuille était une activité pour les gosses et les jeunes esprits? Surpris qu’on le considère comme un grand père avec affection, il écrivit que « même en rêve il ne pouvait se voir comme une personne âgée. La flûte de feuille est pour les enfants, ce n’est pas une activité pour les gens sérieux et les grandes personnes. C’est le jeu des enfants qui lorsqu’ils grandissent oublient tout de leurs jeux et de la simplicité de faire chanter une herbe ». Lorsque Arthur Braverman le visita dans les années 70 et s’étonna de ce qu’il pouvait être heureux là depuis vingt ans, il répondit simplement : « comment pourrais-je m’ennuyer puisque je n’attends rien du tout. Je ne cherche pas à me comparer à quiconque et encore moins entrer en compétition avec les autres. Je fais juste ce que j’ai à faire, ce que j’aime faire, jour après jour, simplement. Mon temple est ce coin du parc et le ciel bleu, le soleil au-dessus et mon pays est cette terre où je suis assis.
Des enseignements de son propre maître Sawaki Kodo il écrivit ces mots qui éclairent aujourd’hui la crise dans laquelle nous nous trouvons : « le simple fait d’être conscient d’être illusionné, ce qui nous vient par le fait de s’asseoir, fait de nous un Bouddha. Quand en zazen nous observons toutes ces idées et images qui surgissent continuellement nous réalisons combien nous sommes ordinaires (…) c’est après tout, tout ce que nous sommes. La véritable illumination est de s’éveiller à la nature de notre illusion. Voilà comment des gens tout à fait ordinaires sont sauvés par le zazen. Nous prenons alors toute la mesure de notre égarement et comprenons que si nous nous écartons de la simple assise nous serons incapables d’endiguer cet égarement et que nous nous perdrons. On peut dire que le monde se perd parce qu’il est incapable de regarder en face ses chimères. Tous les problèmes de ce monde qu’ils soient politiques, économiques ou autres viennent du fait que l’on a perdu la conscience de son propre égarement. »

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