
le Raku
par Mokusen
Fasciné par le feu, j’en suis venu à la création de bols raku.
Au départ, en mars 2004, un ami potier me proposa de m’initier à la terre en me déposant une boule d’argile humide devant moi, sur une table.
Je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire de cette simple sphère de terre vivante.
J’ai pris cette boule de terre, planté mon pouce gauche au centre et, patiemment, j’ai tourné, tourné, tourné en agrandissant le trou jusqu’à obtenir, à force de le lisser, un bol qui, j’allais le découvrir par la suite, allait avoir la forme des bols utilisés au Japon pour la voie du thé (Chanayu ou Chadõ). Après 2 à 3 semaines de séchage, quand la terre a la texture du cuir, le polissage peut débuter en utilisant une pierre lisse (une agate). Le polissage de la chamotte peut commencer, sur toute la surface, sans rien oublier.
Comme cette phase est relativement longue, zazen vient à moi naturellement car j’associe à ce moment, ma pratique.
Quand la terre devient blanche et bien sèche (cela dépend de la température ambiante), une première cuisson, le biscuitage peut s’effectuer.
Ensuite vient l’émaillage : on enduit les bols des oxydes de la couleur que l’on désire.
Vient le moment où la cuisson raku prend tout son sens.
Là, c’est une harmonie des éléments de la terre qui communient avec le feu. Seul dans une chambre rouge, le bol sorti de son creuset va aller se purifier dans l’eau. Le choc thermique provoquera les fissures de l’émaillage et non du bol qui reste totalement intact.
Ces fissures sont en transparence sous l’émail comme un tatouage indélébile mais près de la surface, passant d’une température de près de 900 degrés à la température de l’eau : c’est comme un baptême. Le choc thermique provoque la fixation de l’émail.
Comme la lame forgée et trempée qui obtient sa dureté pour affronter la vie.
La terre, le feu, l’eau, l’air une naissance sonore qui honore le vivant.
Le souffle, le grondement du feu, la plongée du bol incandescent dans l’eau provoquent un bruit de chaos de bouillonnement.
La cuisson raku, ce sont des sons, des odeurs, des surprises. Personne ne sait comment sera le résultat à la naissance du bol même la couleur de l’émail ne sera pas certaine, tout est dans l’instant.
Ensuite, pendant 1 jour ou deux, les crépitements des bols se font entendre, au début régulier, ensuite tout s’estompe. Mais c’est vivant et cela le reste. Je ne sais pas ce qui va advenir de leur vie : je ne prévois rien. C’est de les faire qui me procure du plaisir. Une fois né ce n’est plus de mon ressort.
Si je continue cette alchimie, c’est encore pour voir le feu faire son œuvre, ma fascination la plus profonde. L’élément qui ne peut s’apprivoiser. Seulement maintenir et surveiller.
Pratique silencieuse, choc des éléments, harmonisation des dualités eau – feu.
Comme les lames et l’âme du sabre…
Comme le raku en laissant advenir…
Tous deux naissent du même processus.
Le fer qui vient des profondeurs de la terre, l’air qui avive le feu et le maintien, là plongé dans l’eau qui couronne l’œuvre au rouge…….


